L'Effort, groupe d'action d'art.

« L’Effort, groupe d’action d’art »  est un groupe d’artistes fondé à Grenoble en 1919 ou 1920 par Marcel Sahut (1901-1990), peintre autodidacte, créateur en 1920 d’une entreprise de décoration Tout Décor, Louise Morel (1898-1974), sa jeune épouse, peintre elle aussi, et Jean Mirande, modeste poète et professeur au lycée Champollion. 

Une impulsion est sans doute venue du peintre Gabriel Fournier (1893-1963) qui fait connaître à Marcel Sahut l’aventure du groupe littéraire et artistique des Trois Roses, une revue d’art animée par le poète Justin Frantz Simon et le peintre Ortiz de Zarate, publiée en 12 numéros en 7 fascicules à Grenoble de juin 1918 à avril-mai 1919.  Ducultit, Flandrin, Fraeuly, Mainssieux, artistes liés à cette revue, avaient fondé déjà en 1918 un premier groupe.

 

La première exposition

Avec la première exposition, en 1920, les artistes de l'Effort publient un manifeste, rédigé par Henry Petiot, futur Daniel Rops (1901-1965), accompagné de bois gravés de Louise Morel, tiré à 500 exemplaires.  

 

 “Après le plaisir de lire, disait Charles Nodier, je n’en connais aucun plus grand que celui de parler de mes lectures. Quel plaisir n’aurons-nous pas, nous, après avoir pratiqué l’art qui nous passionne, d’en causer avec des gens que nous sentons amis! Nous sommes le blé qui lève, aussi n’acceptons-nous que des grains sains capables de germer, des jeunes pleins de confiance en l’avenir, nourris d’idées modernes, hardis, novateurs, se sentant pleins de zèle pour accomplir leur mission d’artiste. À nous donc! Tous les jeunes! Groupons-nous, unissons-nous pour être plus forts! … Dans l’art il n’y a, au fond, ni pompiers, ni fumistes, ni romantiques, ni impressionnistes, ni classiques. Laissez les étiquettes aux bocaux des pharmaciens (sans vouloir dire que leur monotonie manque de charme esthétique), laissez-les, elles détruisent l’harmonie des œuvres. Les écoles gênent: tout le monde ne peut pas faire comme le serpent et changer de peau chaque année. Il n’y a, au fond, dans l’art, aucune classification. Qu’y a-t-il? Il y a seulement des gens qui ahanent et luttent pour une idée, si petite soit-elle, si modeste. Nous voulons être de ceux-là: peindre, écrire, sculpter, graver, faire de la musique... Qu’importent les moyens ? La pensée seule nous préoccupe qui soutient l’art et le rend vivant...”.

 

Les quatre longues années de guerre viennent de se terminer. Ces jeunes enthousiastes, que veulent-ils ? Innover, faire groupe pour être plus visibles, dépasser les écoles, avec une « mission » : l’art, rien que l’art. Même s’ils s’opposent, sans le dire expressément, à la vieille Société des Amis des arts de Grenoble.

Le groupe est soutenu par André Farcy (1882-1950), journaliste, critique d’art et publiciste, qui a été nommé conservateur du musée de peinture en 1919.

 

Le salon de l'Effort.

De ce mouvement naît d’abord un salon ouvert à tous les arts : la peinture, la sculpture, la  littérature, la musique. Le premier salon de L’Effort eut lieu en 1920 à la galerie Fenoglio.  Il sera suivi de nombreux autres à l’École des Arts (1921), à l’Hôtel de ville (1923), au lycée Champollion (1926).

En 1927, reprenant à son compte le nom même que la presse lui donnait, le “Salon de l’Effort” deviendra le  “Salon de Grenoble”.

 

Le groupe, sous l'animation de Marcel Sahut, organise des conférences, des séances de musique. 

Sont publiés des catalogues d’exposition, sous la forme d’albums de bois gravés (au moins trois selon l’auteur de la biographie de Charles Sahut, mais nous n’avons trouvé que le premier de 1926) avec des œuvres  originales de Gabriel Ducultit (1878-1954), Jules Flandrin (1871-1947), Charles Fraeuly, Raymond Gaude, (1898-1962), Henriette Gröll (1906-1996), Jean Hesse (1874-1960), Lucien Mainssieux (1885-1958), Louise Morel (1898-1974, Louis Riousset, Marcel Sahut, Maurice Savin (1905-1971), mais aussi apparemment  Georges Gimel (1898-1962) et le lyonnais Combet-Descombes (1885-1966), car l’Effort a été rapidement en lien avec les artistes lyonnais du groupe Ziniar, notamment par l’intermédiaire d’Emile Didier qui a travaillé à Grenoble pendant la guerre.

 

Le salon de L’Effort était aussi ouvert à d’autres propositions :  créations de bijoux et de meubles, des maquettes et des projets de décoration d’appartement.

Il attire alors la fine fleur des artistes français et régionaux : on y voit Bonnard, Braque, Camoin, Derain, Lhote, Marquet, Picasso, Puy, Utrillo, Valadon, Van Dongen, Vlaminck, et bien sûr les amis Lyonnais du salon du Sud-Est. 

 

Parallèlement, une revue d’art est créée par Henry Petiot, TentativesCahiers trimestriels d'Art et de Littérature‎,  (4 cahiers, le 1er en juin 1923, le 4ème et dernier en juillet 24, avec un numéro spécial intitulé Femmes).

 

 

Un album de bois gravés.

On trouvera ci-dessous le premier « album de  XII bois gravés originaux présenté par l’Effort, groupe d’action d’art ». Sur la couverture, figurent l’adresse, 27 rue Eugène Faure, qui est celle de Marcel Sahut et Louise Morel, et la date : 1926. Le tirage, indiqué sur la quatrième avec le nom des artistes, est de 25 exemplaires sur Hollande, numérotés de 1 à 25,  250 exemplaires ordinaires numérotés de 26 à 275, et de 55 exemplaires hors commerce numérotés de 276 à 325.

 En 1926, les artistes, nés à l’extrême fin du XIXème et dans la première décennie du XXème siècle,  ont moins de trente ans (parfois juste vingt ans comme Savin, né en 1905, ou Henriette Gröll née en 1906) mais sont accompagnés d’artistes déjà établis : Ducultit (1878-1954), Jules Flandrin (1871-1947) ou Fraeuly.

Parmi ces artistes, certains ont connu ensuite une carrière estimable de peintre : Jules Flandrin (1871-1947), auquel on a consacré une page,   Henriette Gröll (1906-1996), Lucien Mainssieux (1885-1958),  Louise Morel (1898-1974), Marcel  Sahut (1901-1990), et Maurice Savin (1905-1971). 

Gabriel Ducultit a été surtout illustrateur, Charles Fraeuly illustrateur et maître relieur. On ne sait pas grand chose de Jean Hesse (1874-1960), pseudonyme de Jean-Aimé Sainson,  qui fut membre de l’Académie Delphinale. Et deux demeurent complètement inconnus aujourd’hui : Raymond Gaude et Louis Riousset.

 

 

 

Sources :

Sahut : Vie et oeuvre, Les Amis de Sahut,  Edité par Ville de Volvic, 2001.

Maurice Wantellet,  « L’Effort, groupe d’action d’art », Bulletin mensuel de l'Académie Delphinale, mai-juin 1995.

Benezit.