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Sud-Est : une exécution capitale

Fini ?

Fini, le salon du Sud-Est ! La mairie de Lyon n’en veut plus.

 

Il avait son histoire. Une naissance, portée par des artistes qu’on disait indépendants. Une jeunesse turbulente… Une maturité qui fit les beaux jours de la peinture régionale. On y vit d’abord Combet-Descombes et les artistes de Ziniar, puis Couty et les Nouveaux, et Truphémus, Cottavoz et Fusaro, plus récemment au début du XXème siècle, Bachès, R. Bernard, M.T. Bourrat, Evaristo, S. Gurrieri parmi tant d’autres… Et les artistes de ces dernières années, sans aucun doute, auront un jour leur rétrospective et feront les belles heures des salles des ventes.

C’est une page de l’histoire de la peinture à Lyon qui se ferme. Douloureusement.

 

On s’y rendait chaque année, un peu par habitude, pour rencontrer les artistes, voir leurs nouveaux travaux, dans l’espoir aussi, souvent déçu, de découvrir enfin du nouveau. 

On dira ce qu’on voudra : c’était un salon vieillissant, sans doute, qui ronronnait plus qu’il ne cherchait la nouveauté, où devaient peser les places acquises…

Mais il permettait aux Lyonnais de connaître les peintres locaux. Comme aux artistes de montrer leur travail, de le confronter à celui des autres, et de trouver des acheteurs aussi, sans que cela leur coûte beaucoup. Il faut bien vivre, non ?… quand on n’est pas artiste patenté, institutionnel, habitué des résidences et des commandes officielles. 

Surtout il était, depuis le début, organisé par les artistes eux-mêmes ( sélection, installation, secrétariat, communication, comptabilité… et c’était un vrai travail), et non par le marché, les galeries ou les institutions. 

 

Le salon du Sud-Est, octobre 2022
Le salon du Sud-Est, octobre 2022

On peut même reconnaître qu’il était voué à plus ou moins brève échéance à disparaître, sauf à se renouveler. On peut même se demander (en fait il y a bien cinquante ans qu’on se pose la question) si la formule du salon a encore quelque avenir. 

Et pourtant non ! Il lui aurait peut-être suffi de changer de nom pour vivre une nouvelle jeunesse : nous vivons un temps où la foire - pardon l’ « art fair » - a remplacé « le salon », même si on y fait la même chose. On l’aurait appelé Sud-Est Art fair, et cela lui aurait donné une autre gueule. Actuel. Moderne. Jeune. Intouchable. 

In La gazette du franc, 16 mai 1926.
In La gazette du franc, 16 mai 1926.

 

 

Notre regret ? Le salon du Sud-Est, fondé par le groupe Ziniar, dans un désir d’indépendance et de modernité, aurait eu cent ans en 2025. On aurait pu aller jusque là. Pour célébrer un centenaire qu’on pouvait imaginer rétrospectif, explosif, et qui aurait clos l’événement de la belle manière, en mettant un terme avec honneur et éclat à l’aventure. On dit les écologistes champions de la discussion, de la concertation : en l’occurrence, ils coupent dans le vif, ils sabrent sans hésitation, et sans prévenir… Qui l’eut cru ?

On aurait pu imaginer qu’un accord pouvait être trouvé avec les artistes. Car ce salon, créé et voulu par les artistes, avec le soutien initial d’Edouard Herriot, et la bénédiction de Signac, de Matisse,  et tant d’autres, reconnu depuis 1925 par les différentes municipalités de droite et de gauche, constitue un lieu majeur de la vie des arts plastiques à Lyon. Mais cela, c’est de l’Histoire. Cela n’intéresse probablement pas nos édiles.

 

 

La raison avancée ? Le salon du Sud-Est n’entre pas dans les « orientations » définies par la municipalité, pour qui «  les salons seront désormais dédiés aux art visuels, dans les domaines du dessin, du papier, de la photographie, de l’illustration ».  A première vue, c’est préférer ce qui est à la mode, ce qui fait jeune, moderne… La peinture ? A ranger aux rayons des antiquités.

Curieuse conception qui retire à la peinture, à la sculpture, (et à la gravure, puisqu’il y avait chaque année aussi des graveurs, et donc du papier), la qualité d’arts visuels… 

Et cela au moment où la peinture-peinture, que pendant des années de vaches maigres, des peintres, ici ou là, ailleurs comme à Lyon, ont continué à pratiquer, revit, retrouve les faveurs des critiques, du public, et même, comble du renversement, des institutions culturelles. 

Plus étonnant encore, sans trouble apparent, voilà qu’une équipe municipale décide in fine quelles pratiques artistiques méritent d’être présentées. Cela s’appelle comment, cela ?

P. Brunel

 

 

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