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Claude Dalbanne, graveur.

 

L'apparition récente du fonds d'atelier de Claude Dalbanne en salle des ventes (Artenchères - 17 juin 2020) jette une lumière un peu plus nette sur le travail de cet artiste discret, dont on sait qu'il a fait l'essentiel de sa carrière comme directeur du musée Musée historique de Lyon de 1936 à 1955 et créateur du musée de la marionnette.

N'ont été présentés que des dessins (plume, lavis, aquarelle) et des gravures, mis à part quatre ou cinq huiles, dont deux autoportraits. On imagine volontiers que depuis la mort de l'artiste (1964) d'autres ventes sont intervenues qui ont déjà dispersé archives et oeuvres. Ce qui explique peut-être qu'en ce qui concerne les gravures que nous avons seules regardées avec attention, les lots présentés ici ne brillent pas par leur fraîcheur ni même leur qualité : bien trop souvent les encrages sont médiocres, les feuilles coupées au plus court, au trait carré parfois ; les papiers, empoussiérés, présentent des traces d'oxydation, des pliures et ont souffert de mauvaises conditions de conservation.  Néanmoins, ce sont au total près d'une quarantaine d'estampes qui ont été présentées.

On connaissait mal son oeuvre gravé et, sans tenter de retrouver un ordre chronologique, nous avons complété largement la page que nous lui avions consacrée où nous proposons un classement par thèmes de ces estampes.

Dessins, Etudes, 7x9, 9x7, 10x11, 9x14
Dessins, Etudes, 7x9, 9x7, 10x11, 9x14

Cet ensemble d'oeuvres sur papier, depuis les études de nu faites à l'atelier du très académique Jean-Paul Laurens où il fait son apprentissage jusqu'aux derniers travaux des années 50 et 60, éclaire la personnalité de l'artiste.

Par ses sujets, il s'inscrit clairement dans le courant académique. L'inspiration mythologique y occupe une place importante; on rencontre des héros comme Orphée, ou des dieux  (comme celui du vent, Borée, dans cet épisode si souvent représenté depuis l'Antiquité de l'enlèvement d'Orithye), pléthore de nus dans des décors champêtres, parfois des faunes poursuivant des nymphes. De là aussi les scènes de rapt ou simplement d'étreinte qui constituent un motif plusieurs fois repris. L'inspiration religieuse est quasi absente, même si on peut penser, ici ou là, à une scène évoquant une fuite en Egypte, mais sans élément vraiment probant pour le justifier.

Dalbanne se plaît à dessiner des nus féminins, ou des couples s'enlaçant, s'étreignant, luttant ou dansant, pleurant. On trouve les figures classiques du nu à la source, ou du nu au bain. Dans toutes ces représentations, il s'agit probablement de suggérer une idée ; on pourrait les intituler Douleur, Amour, Mélancolie, Lutte, Danse...  Les décors dans lesquels les scènes s'ébattent les personnages, sont totalement indifférenciés, le plaçant à la rigueur dans le vague courant symboliste. On notera cependant peu de scènes inspirées par le rêve ou la libération de l'imaginaire  (seul peut-être le monotype non recensé dans la vente, un paysage aux énormes nuages.) Ses choix esthétiques ne le poussent pas à représenter le monde réel. Le concret de la vie quotidienne, le paysage urbain, le développement du monde industriel, ne font pas partie de son univers esthétique.

L'autre axe majeur de son travail est celui du paysage. Il dessine là où il séjourne ou passe, en Provence, en Bretagne, en Haute-Garonne, ou en région lyonnaise, mais les lieux sont rarement indiqués : il privilégie les paysages bucoliques où broute une vache, les vues d'églises et de village, parfois de montagnes (la Sainte-Victoire dans au moins quatre dessins, ce qui suggère la connaissance de Cézanne, sans qu'on puisse cependant dégager une influence). Il s'intéresse aux ondulations des arbres, aux sinuosités des chemins. 

 

Mais les gravures de paysage sont rares. 

Il utilise alors l'eau forte de préférence au bois ; il grave une ferme, et de manière assez subtile, un paysage presque vide avec trois maisons et quelques arbres lointains devant un ruisseau. Si les bois renvoient quasi tous à une pratique académique, parfois symboliste, on trouve deux des eaux fortes qui à l'inverse témoignent de la réalité de son temps : l'une, exceptionnellement datée du 14 juillet 1917, présente un aspect de la fête militaire située sur un quai du Rhône, face à l'Hôtel-Dieu, et une autre, par une indication manuscrite titrée "Cusset", présente ce qui est alors une campagne proche de la ville.

La gravure, comme souvent, fait écho aux toiles connues du peintre. Une eau-forte semble une variation pour la scène de son tableau du musé Dini, Le quatuor de Debussy (1924). 

Très peu d'oeuvres sont datées et ne permettent pas de dégager une évolution. 

Dalbanne, La danse.
Dalbanne, La danse.

 

On sait cependant que Dalbanne a été tenté par le modernisme, probablement grâce à sa participation au groupe Ziniar entre 1920 et 1924, dans lequel il est presque le plus âgé, et à la fréquentation de Jean Epstein, pour lequel il signe la composition et la typographie, très originale, du livre Bonjour cinéma, (Les Éditions de la Sirène, Collection des Tracts, Paris,1921, in-12), l'illustrant de bois proches d'un A. Léger et du premier cubisme. Certains bois des années 20, comme certaines aquarelles ou dessins tournés résolument vers une simplification des formes, voire le cubisme, en attestent.

Il est vraisemblable que Dalbanne, devenu en 1935 conservateur actif du musée de la ville de Lyon, passionné par ses recherches sur les imprimeurs et les graveurs sur bois du XVIème siècle n'a pu continuer à pratiquer gravure et peinture de manière approfondie. De sorte que sa carrière de peintre et graveur se situe essentiellement dans les trente premières années du XXème siècle. 

 

S'il faut dégager les tendances d'un style, on peut mettre en exergue son trait. Dalbanne aime jouer avec les formes : il penche vers la courbe, l'ondulation, le mouvement. Sa plume ou sa pointe accentue les rondeurs des corps. Il aime les corps rapprochés, enchevêtrés, formant une masse confuse ;  les amoncellements de nudités, multipliant les courbes, les tensions, les torsions, conduisent parfois à l'illisibilité. Devant telle ou telle planche, difficile de dire s'il s'agit de la mêlée confuse d'une bataille ou de l'exubérance joyeuse d'une danse.

Finalement, l'ensemble des oeuvres montre un bon praticien, qui a été séduit un temps par des expériences modernistes, tout en restant attaché aux principes d'un art assez traditionnel.

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