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L'estampe, encore...

Grâce à Pascal Riou, poète et directeur de la revue Conférence, la galerie Pome Turbil présente des oeuvres sur papier, lithographies et eaux-fortes de trois artistes, qui tous relèvent de ce figuratif si déprécié jusqu'à peu.

 

Le premier, Claude Garache, né en 1929, est un grand monsieur de l’estampe, dont la réputation n’est plus à faire : à un élève de Léger et de Lhote, un artiste de la galerie Maeght, un compagnon d’ Yves Bonnefoy et de Philippe Jaccottet, on ne peut mégoter l'admiration. Les planches ici présentées, de ce rouge qui est le sien, témoignent bien de la recherche inlassable  de la représentation du nu. Ces formes féminines, presque lointaines, semblent se lover dans le papier et malgré tout faire naître une puissante impression de réalité.

Philippe Ségéral appartient à la génération suivante : dessinateur, il est venu tard à la lithographie, mais il la maîtrise comme on la maîtrisait autrefois, avec des effets d’essuyage et de grattage notamment qui font revenir à la mémoire les planches des artistes du milieu du XIXème siècle. Son travail présent se nourrit, on le suppose, de tout ce passé ; mais si on voit bien en effet des paysages, ce n’est évidemment pas Barbizon, ce n’est pas Fontainebleau. Ici, le ciel noir, chargé, pesant, omniprésent et tourmenté, écrase toutes les formes de la campagne ou de la mer; là, les fumées épaisses noient les contours du volcan. D’autres scènes, apparemment sereines, font glisser cependant le regard vers des lointains troublants. 

Le travail de Claire Illouz, la troisième des artistes présentés, s’accorde assez bien avec celui du précédent, mais dans un tout autre style. Elle pratique l’eau-forte, dans laquelle l’aquatinte vient creuser des noirs profonds ; ses sujets sont apparemment simples :  une pile de livres, un bric-à-brac de brocanteur ; ou encore un talus herbeux devant une plaine, un chardon au bord du chemin, des plantes rustiques dressées sur le vide du ciel, qu'on imagine longuement observées. Une pointe juste et précise dessine d'un trait vif des plantes et des herbes si nettes qu’elles en paraissent coupantes. Dans ces quasi gros plans de végétaux si communs et si invisibles d’ordinaire, il y a la fois de l’innocence et de la modestie, et toujours de l'acuité. Et l’ensemble est d’autant plus intéressant qu’une partie de l’estampe donne à voir tout autre chose, lointainement mais clairement, par exemple la ligne heurtée d'une banlieue, ce talus des villes, ou le défilé d’une foule de silhouettes pressées et seules. 

Trois artistes qui, finalement, ne donnent pas seulement à voir et apprécier, mais qui invitent le spectateur à une songerie peut-être intranquille, mais sans doute salutaire.

 

 

Galerie Pome Turbil, 48 rue Burdeau, 69001 LYON

Du 5 novembre au 24 décembre, de 14 à 19 heures, du jeudi au samedi.

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