- « Et à l’origine ? à l’origine de la collection, qu’est-ce qu’il y a ? » lui redemandez-vous comme chaque lundi depuis un mois.
- Mais est-ce que je suis un collectionneur ? dit-il. Le collectionneur, dit-on, est « sensible », « généreux », « cultivé », il s’est fait tout seul, sa collection est « cohérente», « d’excellente qualité », ce qui présuppose des « choix éclairés », « judicieux » : il a « du flair ». C’est ce qu’on dit. Et aussi qu’elle « suit une ligne directrice », qu’elle « a une identité » : elle est le portrait de son auteur. Chacun est « un passionné » « qui achète avec son cœur ». Bref, le collectionneur est par essence « un philanthrope qui souhaite montrer sa collection » au monde entier. C’est ce qu’on dit. A la limite, le collectionneur est un saint ou un artiste. Ouais…
- Vous ne répondez pas à la question. A l’origine, c’est quoi ?
- Moi, je suis égoïste, j’aime bien posséder les choses et les avoir pour moi, ce qu’on me reproche dans mon petit intérieur : « C’est vrai, quoi, pas besoin d’avoir pour être charmé, séduit, réjoui, me dit-on. Tu es d’un matérialisme »… Eh bien moi, j’aime toucher, j’ai besoin d’avoir, comme pour combler un manque ; peut-être que là, au moins, je sens que j’existe, non ?
C’est l’origine, cela ?
- Et puis, j’ai acquis des choses médiocres, que j’ai cru bonnes, des dizaines d’estampes trop abîmées pour valoir quelque chose (là-dessus, le marché est d’une sévérité impitoyable). J’ai acquis au petit bonheur la chance, sous le coup du hasard souvent, en me trompant beaucoup, parce que cela me faisait envie. Ma collection n’est pas cohérente, cela part un peu dans tous les sens, même si au fil du temps je reconnais des tendances, des orientations plus solides que d’autres. Je ne crois pas qu’elle constitue une image de ma personnalité. Bien sûr, j’achète ce que j’aime. A moins que cela ne soit l’inverse : j’aime parce que je possède. Surtout ce que je trouve, et dans mes moyens. Collectionneur, collectionneur, évidemment… Mais comme tous les collectionneurs, je ne me reconnais pas dans le portrait qu’on fait du collectionneur.
Mais vous insistez :
- « Et à l’origine ? »
- « Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Restons-en là…
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gérard Klein (mercredi, 29 avril 2020 10:26)
Intéressante promenade dans le monde du collectionneur... et" Fin de Origine "? J'en doute un peu; ne découvre-t-on pas sans cesse dans tous domaines y compris dans celui de nos cerveaux, les voiles dont notre histoire, la grande comme la petite, a couvert notre réalité?
"C'est en forgeant qu'on devient forgeron". c'est vrai pour toute activité humaine, mais pour le collectionneur, s'y ajoute une nuance d'addiction, qui l'amène à mobiliser ses ressources, pécuniaires (hélas inégales), intellectuelles (trois fois hélas inégales), physiques (surtout pour le collectionneur de dames!).
On peut aussi s'interroger sur le "comment": en cherchant,étudiant, en chinant, négociant, achetant, rencontrant... en volant ?
Parmi les grands collectionneurs qui remplissent les livres de la grande histoire et figurent sur les listes de décorations royales, plus celles de la république, nombreux sont les grands prédateurs...
Pour l'honnête particulier, la collection est un chemin le long duquel s’acquièrent et s'accumulent la connaissance et la compétence, et souvent s'élargit la vision du monde: du collectionneur de marionnettes, au collectionneur de portes-clefs ou de cerfs-volant, de celui des manuscrits épistolaires ou d'éditions originales diverses, ce chemin oblige forcément à déborder du cadre et d'emprunter quelque sentier. Les collectionneurs sont de ce point de vues de sympathiques abeilles: elle butinent, mais "en même temps" elles pollinisent !
Alors les mystères de l' origine, c'est un puits sans fonds, n'en déplaise à Sigmund.
PB (mercredi, 29 avril 2020 18:54)
Fin de la recherche des origines ? Oui, je n'irai pas au-delà, il faudrait sonder trop profondément... Mais cela ne m'empêche pas de continuer à raconter la surface, le résultat, le comment (la salle des ventes, la chine, les sites de commerce et de ventes en ligne).
Quant aux "grands" collectionneurs, oui, pas très joli, souvent, tu as raison... Je vais préparer un post là-dessus.