· 

De la résistance des oeuvres

On a déjà parlé de Paul Borel, et de la connaissance progressive que nous avons eue de son travail gravé. Mais voilà un autre épisode. 

C’est un vide-grenier à la fin des années 2000. Un jeune homme, bien sous tous rapports, et un peu amateur d’art, tout excité, n’en revient pas : devant lui un ensemble de dessins au crayon de Paul Borel, peintre et graveur lyonnais du XIXème siècle : des études diverses, de mains, de bras.  Il achète sur le champ l’ensemble à ce vendeur. Plus tard, désireux de revendre son achat, il se rend chez Descours, la galerie lyonnaise connue de la rue A. Comte : le galeriste reconnaît une partie de dessins du fonds d’atelier de Borel, dessins appartenant à l’hôpital Saint-Luc, en partie exposés jadis en 1980 et sans doute volés.  

Un revendeur de bonne foi, des dessins volés, et un propriétaire visiblement débordé, peu attentif à ses trésors artistiques. Situation délicate : il faut du temps pour la débrouiller.

Finalement, deux ans plus tard, l’association hospitalière Saint-Luc dépose au musée des Beaux-Arts l’ensemble du fonds, et le jeune homme est dédommagé.

 

L’actualité récente a été marquée par des redécouvertes miraculeuses : dans une demeure familiale de Compiègne habitée par une vieille dame, voilà qu’on retrouve un panneau de Cimabue (1272-1302) accroché dans un couloir…. En 2014, c’était un Caravage (1571-1610) qui dormait depuis une éternité dans le grenier d’une maison de Toulouse. 

 

Occupation fascinante d’imaginer l'histoire de ces oeuvres disparues et retrouvées. Comment se retrouvent-ils dans un couloir, dans un placard, dans des greniers, dans un vide-grenier? A la suite de quelles tribulations ? Les unes sont volées, par qui ? Les autres données, transmises, achetées, vendues. Quel parcours ont-elles suivi ? par combien de mains ont-elles transité ? En combien de temps ? de lieux ? Miracle de la conservation, et de l’art : elles ont échappé à la destruction, aussi miraculeusement que ces feuilles vieilles de trois ou quatre siècles, sur lesquelles le temps ne semble pas avoir de prise, et que je me réjouis de manipuler dans mon bureau.

 

PS 

Ecrivant cette notice, je me demande ce que vient faire ici l’hôpital Saint-Luc. En réalité, il faut remonter à 1869 pour trouver trace d’une « Société civile de médecine pratique », constituée par deux médecins et trois autres personnalités dont Paul Borel, destinée à fonder un hôpital privé susceptible de développer l’homéopathie, découverte un peu moins d’un siècle plus tôt par Hahnemann. Les fondateurs ont pour ambition de faire profiter les pauvres d’une médecine réservée alors aux classes aisées.  Les travaux de l’établissement sont surveillés en personne par notre peintre à partir de 1870 et l'hôpital ouvre en 1875 (1). Borel est encore au conseil d’administration de la société, même après sa transformation en 1909 en « société anonyme de médecine pratique » .

 A sa mort en 1913, Borel qui suivant les termes du procès-verbal honorant sa mémoire, a « consacré, pendant quarante ans, à Saint-Luc, son temps, sa bourse et son cœur », lègue tableaux et estampes à l’hôpital, dont le produit de la vente devait, selon son désir, se partager avec une Maison charitable d’Oullins.

 

 

1 Ce bâtiment situé sur le quai Claude Bernard a été détruit après la fusion en 1993 avec l’hôpital Saint-Joseph, autre établissement privé catholique, pour la construction du nouvel hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc ouvert en 2003. 

Écrire commentaire

Commentaires: 0