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A l'origine (2)

Il y a des oeuvres d’art qui vous accompagnent toute votre vie. Avec lesquelles on entretient un dialogue ininterrompu, même s’il est épisodique. Qu’on aime comme au premier jour. 

Si je remonte à l’origine de mon goût pour l’estampe, il me faut certainement évoquer la première …  C’est convoquer ainsi le hasard. 

J’avais vécu deux années à Lisbonne, appris la langue portugaise, était tombé amoureux de cette ville.  De retour en France, au hasard d’un déplacement pour le mariage d’une amie, - si elle me lit, elle se reconnaîtra - en août 81, j’étais tombé par hasard à Cluny, sur une exposition consacrée à une peintre portugaise Maria Helena Vieira da Silva, artiste de la galerie Jeanne Bucher. Coup de foudre, qui faisait écho au coup de foudre éprouvé pour l’esprit lisboète. Ce fut l’occasion de découvrir une oeuvre et une artiste. Et de faire l'achat d’une lithographie, intitulée Jardin. La même année, la Bibliothèque nationale organisait une rétrospective de son oeuvre gravé.

 

Vieira da Silva (1908-1992) venue à Paris en 1928, suivant à l’académie de la grande Chaumière les cours d’Antoine Bourdelle, y avait rencontré Arpad Szenes (1897-1985), peintre  d’origine hongroise arrivé dans la capitale en 1925, et l’avait épousé en 1930. 

Plus tard, à Lisbonne, j’avais visité la Fondation Arpad Szenes et Vieira da Silva.  Un petit musée consacré à ce couple de l’Ecole de Paris, sur une place un peu à l’écart du piétinement des foules de touristes qui envahissent la cité, Jardim das Amoreiras (Jardin des Mûriers, et non des Amourettes), là ou Vieira da Silva avait une maison. Une fondation créée en 1990, voulue par Vieira après le décès de son mari. Un peu exceptionnellement pour un couple d’artistes, l’un et l’autre ont pu avoir une carrière, et une carrière internationale. Dans notre région, on peut voir leurs oeuvres  au Musée Saint Pierre à Lyon, à Grenoble, Saint-Etienne, etc. comme au Guggenheim, ou à la Tate Modern…

Il y a des oeuvres d’art, disais-je plus haut, qui vous accompagnent toute votre vie. Qu’on aime comme au premier jour ?  Ouais !  Si j’apprécie toujours cette estampe, si je ne la renie pas, et même suis heureux de la retrouver aujourd’hui, un peu vieillie cependant, à l’occasion de cette quête des confins, (je ne l’avais pas sortie depuis plusieurs années du carton où elle attendait),  je ne sais plus pourquoi celle-ci a emporté mes suffrages. J’en suis réduit aux conjectures : l’atmosphère paisible née du vert, la composition ternaire en damier, la présence d’un jardin sous l’apparente abstraction ? ou d’autres raisons très éloignées de l’art : la qualité de la lumière de ce jour-là en particulier, mon humeur, ou celle de ma compagne, qui m’accompagnait, la couleur ou le ton du mariage auquel nous venions d’assister, le bagout du vendeur…

Si j’avais à choisir aujourd’hui une estampe de Vieira, je prendrais non une lithographie, mais plutôt une gravure, de ces gravures minimalistes, au burin ou à l’eau-forte qu’elle a produites plus tôt, elle qui a appris la gravure dans les années 30 auprès de Hayter dans le fameux Atelier 17 (Tiens, voilà un sujet possible pour un prochain post)  et devant lesquelles on reste comme devant un mystère.

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Commentaires: 2
  • #1

    gérard Klein (mardi, 31 mars 2020 16:12)

    Une nouvelle interruption, et une nouvelle disparition des pensées profondes de Plume , ma chienne préférée. Cela ressemble à une incitation à faire court, à abréger donc.
    Vieira da Silva. J'ai visité la même expo de 1981 à Cluny . Je me souviens d'une superbe toile représentant un foisonnement de toits d'une ville bretonne en dominante gris bleu sous un ciel de grisaille; je n'en ai pas retrouvé trace sur internet...
    Quelques années après ma fille m'a rapporté de Lisbonne une reproduction de la "Bibliothèque en Feu" aujourd'hui encore sous verre et accrochée dans la partie haute de la tour de ma campagne...à défaut de pouvoir acquérir l'original
    Ton "Jardin" , même peut-être atténué par mon écran, est magnifique et me fait irrésistiblement croire que c'est un hommage discret à Monet, tant il me rappelle l'ambiance du détail d'une des toiles de la série des Nymphéas, "le Matin" et son eau qui dort...Il figure en plusieurs endroit sur le web, y compris avec une cote...

  • #2

    Isaure (mardi, 31 mars 2020 18:25)

    Ah Vieira da Silva! Je l'ai découverte en entrant aux Arts déco à Paris...Où j'avais tout à découvrir. Elle m'a fascinée. D'une façon très générale, quand je pense à elle, je pense à des trames. Toutes ces trames si sensibles et expressives; ces successions de touches et de petites formes qui vibrent ensemble. La lumière passe à travers les grilles, les lattes des volets, les tiges des roseaux, les feuilles...Mais il ne faut pas penser aux œuvres, il faut les voir. Ta première litho reflète si bien cette atmosphère. Rassurez vous, mon intérêt pour cette artiste a dû bien vite être planqué car ce n'était pas assez "branché".